Ollin, spectacle éco-cosmico.

Par Athane Adrahane

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                                                                                ©Athane Adrahane 

Pour le solstice d’été, la compagnie Achtli nous invita à participer à « un spectacle du nouveau cycle » où s’articulent écologie de l’imaginaire, écologie urbaine et sociale. Après digestion et maturation, voici l’expérience transformée en quelques mots. Le « nouveau » de ce style de spectacle tient dans l’épanouissement d’une conscience écologique, c’est-à-dire d’une conscience non-séparée où s’efforcent de communiquer la matière et l’esprit, l’homme et ses environnements. Ainsi se tinrent co-présents reliefs et architectures Bruxelloises, forces de la terre du Mexique, habitants du quartier des marolles, danse de la Terre-Mère, potager urbain, artisans du vermicompost, théâtre des rues, musique, marionnette, clown, messager des quartiers durables mais aussi dimensions du visible et de l’invisible, de la vie et de la mort, réflexions humoristiques Continue reading

La constellation des anges de Patshiva à La Marlagne.

Par Athane Adrahane

 

patshiva le chaos des anges © guillaume sens deterre1

     © Guillaume Sens Deterre

Le 5 avril 2013, au centre culturel la Marlagne à Wépion, avec le spectacle « Là où règne le chaos des anges » de Patshiva Cie, on assista enfin aux premiers battements d’ailes du printemps : floraison de voix, jaillissement de joie, éclosion de corps en fêtes, éruption de vocalises aux accents tendrement sauvages, rivières d’émotions profondes, bouffées d’amours solaires à même nos sens engourdis par les dernières glaces de l’hivers. Ce choeur d’une trentaine de personnes, à travers chants polyphoniques et danses traditionnelles, rituelles,contemporaines (Balkans, afro-cubains, haïtien,géorgiens, hongrois, maori, liturgie juive,…) dirigé par Dounia Depoorter et chorégraphié par Fatou Traoré, en alliant la diversité des souffles dans un battement commun parvint avec beauté et subtilité à basculer le tempo grisaillant du quotidien en un temps coloré de magie et de fête où purent, dans un espace consacré, se métamorphoser en toute liberté les coeurs et les âmes. Continue reading

Mirage. Par Athane Adrahane

Ciel de glace©Athane Adrahane

Évanescence des estampes portuaires.

Le doux foyer une lointaine chimère.

Dans le pays bleu, à l’inconnu, leurs coeurs livrés.

Leur barque, au phare de l’art, rivé.

 

Accordant leur écriture de corps

aux édifiants séismes de l’âme,

interrogeant les aurores verbales,

 anges électrisés des nocturnes ciels,

dans ce bal où l’art du vers

dansait la couleur des voyelles,

à leur lecture de cristal,

les conditions de viabilité

d’une consanguinité contractée

par morsures de lave.

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Confidences de Saule et autres contes recyclables. Entretien avec Greenwitch.

greenwitch                                        ©Athane Adrahane

Athane Adrahane: Greenwitch, merci de me recevoir dans ton antre. Tu peins, écris, confectionnes des bijoux, customises des dolls, ce qui implique la création de vêtements, de maquillages, de tatouages, de photographies où tu les mets en scènes…Ton univers est magiquement peuplé, fourmillant de mystère et d’authenticité. Loin d’un esthétisme lisse de vitrine où seraient exposés de simples objets sans âme, les créatures qui habitent ton monde vivent, voir survivent. De cette vie, à même le monde d’aujourd’hui, d’hier et de demain, ces personnages en portent les cicatrices, les pires cauchemars, les séquelles d’on ne sait quelle explosion nucléaire mais aussi les rêves d’ arbres ou de rivières. Cette âme qui à ton contact éclot, ces petites créatures la cultivent en cherchant le langage de leurs instincts, de leurs viscères, en se questionnant philosophiquement, poétiquement. Si quelques fois, elles se tiennent sur le fil de l’abîme, au bord du précipice, à proximité de la corde, c’est aussi, par delà les grillages, à proximité d’horizon solaire où fleurissent le courage et l’espoir de la création d’un autre monde, qu’elles se tiennent. Tu dis dans un de tes textes « créer, crier », pour toi, c’est ça créer: un lâcher de souffle en partance des tripes, une lutte pour que ne s’éteigne la lumière de l’enfance, le feu du jeu, où se déploie la multiplicité du «moi», la palette des émois: solitude, rage, tristesse, émerveillement d’être en vie, de renifler l’automne, de cueillir une pomme ? C’est en tout cas ce que m’évoque ton travail…

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Marcel Moreau, tambourinaire des abysses

Pour Marcel

L’écrivain Marcel Moreau fait des pulsions, des forces telluriques qui habitent  nos profondeurs, des « instincts éclairés». Cette métamorphose des fonds de corps s’opère par la puissance du langage chargée de doter d’un sens lumineux et créateur les sens obscurs de l’homme.  Incessantes solifluxions du corps verbal dans le corps charnel, du corps charnel dans le corps verbal. Tout ce qui loge dans la profondeur des corps se voit fécondé par la « puissance du langage », la « femme des abysses ». Le rythme d’une écriture ainsi alliée au corps, insuffle de tels mouvements à la pensée, qu’il propulse vers le haut, dans un jaillissement d’art, les gisements indansés de l’âme. Par la force des roulements du verbe, par son rythme généreux en sécrétions incandescentes, les coulées de corps ne dégénèrent pas en épaves sordides, mais écrivent au fil d’un amour-océan les lignes d’un continent-livre que fouettent de vivacité les respirations mêlées du sens et du non-sens, de l’esprit et de la matière. Les mots habités, creusés, caressés, fécondés, réanimés par la fougue du corps verbal, ouvrent l’être à des paysages de steppe dont les libres chevauchées mettent en échec les rétrécissements auxquels nous conditionne la pensée dominante dont le langage stéréotypé nous initie toujours plus à la chorégraphie du robot. Le corps se dote alors d’une autre santé car l’auscultation par la langue-torche sait faire jaillir des cavités interdites un dire de l’antre désormais guérisseur des destructions irrémédiables qui s’effectuent dans l’organisme. Les mots-râles, les mots à Continue reading

Entretien avec Véronique Bergen autour de Requiem pour le roi. Mémoire de Louis II de Bavière

Par Athane Adrahane (2011)

                  Véronique-Bergen-2011                    
©Athane Adrahane
                                                                                                                             
Véronique,

   Je viens de terminer « Requiem pour le roi ».
   Je voudrais t’écrire depuis ce point où tourbillonnent les âges, les sexes et les règnes, où s’étreignent les astres, les fleurs et les lacs.
   Je voudrais t’écrire depuis ce point où existe le mouvement d’aller retour incessant entre esprit et  matière, nature et pensée, noûs et phusis.
   En toute immanence.
   Je voudrais t’écrire depuis ce foyer de solitude, ce royaume de l’enfance où le pouvoir de l’imaginaire sait résister à la réal politique des adultes.
   Depuis le point que ton livre allume, je ne peux en cette nuit t’esquisser que quelques sentiments en éclair…

Saisie magnétiquement  par le devenir que tu extrais de l’histoire de ce roi sculpté dans une solitude de haute altitude. Sa délitescence. Son déchirement, dans le sens des strates qui bâtirent son être. Son effeuillage, par où sa flore s’expose au charme lunaire, à son cortège d’ombre favorisant d’autres enfantements. Et ce, que le magnétisme soit de cime ou d’abîme, porteur de marée de peur ou de ruissellement d’extase. Continue reading

“Just Kids” de Patti Smith. Les ailes de la création.

 Par Athane Adrahane (2011)

Just kids Patti Smith

 

« Nous promenions la nuit. Parfois nous apercevions Venus au dessus de nos tête. C’était l’étoile du berger et l’étoile de l’amour. Robert l’appelait notre étoile bleue » Just Kids, Patti Smith.


Le photographe Robert Mapplethorpe meurt du sida en 1989, Patti Smith avant sa mort lui promet de conter leur histoire qui débuta vingt ans plus tôt. Rares sont les livres écrits devant la mort, là où le corps verbal gage son sang vital. « Just kids » est ce livre graphé en encre stellaire d’où rayonnent les aventures de cet univers bleu peint de concert par les deux kids de New York rêvant d’une existence d’art. « Indéfinissable dévotion » de ces deux kids l’un pour l’autre par delà la mort. Indestructible liaison à même la morsure de la vie, par delà les rumeurs du reste du monde. Indéfinissable âmour faisant bégayer les clichés que l’on plaque sur autrui pour réduire l’intensité du mystère et rassurer ceux dont l’inédit angoisse par manque de prise. Patti Smith et Robert Mapplethorpe inventent une autre catégorie relationnelle. Ils nous content un mode d’être ensemble qui ne rentre en aucun statut codifié. Par delà couple et amant, mari et femme, ils se font âmes-soeurs dans la création, chacun prenant soin de l’âme de l’autre, de la part de l’invisible, de son daîmon, de son divin. L’un et l’autre aimantés par l’art de faire croître en l’autre cet ange de la création qui ne demande qu’à oser l’envol dans les terres du visible. Aimer : se faire alors l’aile qui prend soin du désir de l’autre, c’est-à-dire de l’agencement qui installera une terre viable pour la prise en charge des blessures inhérentes à tout chemin de vie. Dans « Just Kids », Patti Smith déploie concrètement son chant en Continue reading

Sur Athane Adrahane. Par Véronique Bergen

Il est des livres qui sont plus que des livres : des actes engagés dans la création de nouvelles manières de penser et d’exister, des aventures qui participent d’un mouvement dans les choses et non d’un regard sur le monde. Le livre d’Athane Adrahane est de ceux-là : loin de surplomber ce dont il traite, il acte ce qu’il énonce, il se pose comme un geste qui effectue ce qu’il décrit, il ne se range dans l’ordre de la thématisation mais dans celui de l’opération, il est écriture de sang, de désirs, d’étoiles et d’anges. Faisant sien un vitalisme deleuzien pour qui l’adoption d’un mode de penser témoigne du choix d’une conduite existentielle, l’auteur expérimente les noces d’une pensée philosophique (Nietzsche, Deleuze-Guattari…) et d’une pensée cinématographique (Lynch, Almodovar, Zulawski…) afin de libérer en leur devenir croisé des rencontres et événements ordinairement étouffés. Au travers de ce livre (qui ne représente qu’une pièce d’un agencement plus vaste où se côtoieront film et disque), Athane Adrahane nous livre un Evénement c’est-à-dire une création inidentifiable par les grilles perceptives habituelles : la cartographie singulière de ses peuples intimes, de ses tribus porteuses de libération et d’affects intensifs, le pari pour une œuvre ouverte, dynamique qui soit résistance à la pensée dominante, machine de guerre contre toutes les formes codées qui emprisonnent la vie. Il importe alors de saisir que le geste par lequel Athane Adrahane convoque ses peuples (à savoir, en sus des auteurs mentionnés, Artaud, Castaneda, Marilyn Manson, Dead Can Dance…) n’est qu’une invitation adressée au lecteur afin que ce dernier découvre ses propres hordes, celles-là mêmes qui l’amèneront à expérimenter des
postures créatrices en lieu et place d’une assise confortable dans le régime officiel du vivre et du penser. En tant qu’elle naît de crises et de secousses qui l’obligent à se conquérir, toute création se présente comme cette flèche qu’il reviendra à un autre penseur de ramasser pour la relancer ailleurs. Continue reading

Le regard autre

par Athane Adrahane (2007)
Bonsoir à tous,

Je voudrais d’abord remercier le centre culturel Omar Khayam (1), pour cette invitation, fruit d’une rencontre qui s’est d’abord opérée avec l’univers livresque de « La conscience magique ». Ce qui anime votre travail rencontre par certains axes le mien. Vous, comme moi, cherchez à créer un espace/temps où les valeurs et les différences puissent coexister, un monde où le rapport à autrui ne se vit pas exclusivement sous le mythe de la colonisation à sens unique, une domination de droit d’une culture par une autre, d’une classe par une autre, d’un règne par un autre. Un univers où « l’autre », quelle que soit sa couleur ou sa langue, puisse valoriser sa singularité, son mode de rencontre au monde sans craindre que parce que ce mode n’est pas semblable à celui du voisin, celui-ci n’ait pas droit d’expression. De ce monde à créer, vous en parlez dans les termes « d’espace de l’entre-deux » et là encore, il y a rencontre entre nous, tant dans l’esprit que dans le concept, puisque l’entre-deux est un concept clef de « La conscience magique ».

Où se trouve cet espace/temps de l’entre-deux ? Je crains qu’il n’y ait pas de carte toute faite qui nous conduirait à ce précieux trésor, à cette terre originale (original au double sens du terme, d’une part « qui existe dès l’origine », et d’autre part nouveau, singulier, inédit) car d’une part cet espace n’existe qu’en le créant et d’autre part cette terre originale ne cesse de nous devancer, de nous précéder. Cela existe, mais sur un autre plan de conscience comme les mirages d’oasis qui s’enfantent à l’arrachée de longues traversées de désert.

Cet entre-deux est un antre à la géographie mouvante, aux frontières fluctuantes. Dans cet endroit ou plutôt cet envers d’un monde actuel où dominent les malentendus, les Continue reading

Itinerrances philosophiques

par Athane Adrahane (2006)

« Pourquoi philosopher ? Le sens de l’acte philosophique en question »

Colloque de philosophie, Université Catholique de Louvain La Neuve, 11 et 12 mai 2006

Mon engagement philosophique, auquel je préfèrerai l’appellation de mon devenir philosophe, n’a pas coïncidé avec mon inscription à la faculté de philosophie, ni avec l’obtention d’un diplôme universitaire. Il est venu d’ailleurs, de cet acte particulièrement rigoureux qu’est la création philosophique. Pour qu’il y ait engagement, il faut qu’il y ait alliance, don de soi, de son énergie vitale. S’engager est toujours un gage de sang. Pour qu’il y ait alliance, il faut que le mouvement se fasse dans deux sens au moins. Pour qu’une philosophie vous ouvre ses portes, il est nécessaire que vous ouvriez les vôtres. Tel philosophe, tel livre de philosophie, tel concept vous ouvre et vous ensemence de nouvelles perspectives, d’un souffle nouveau, vous-même alors, par la singularité de vos expériences, de votre rythme, des langues et peuples qui vous habitent, vous pourvoirez cette philosophie d’une nouvelle lumière, d’un nouveau sens, d’une nouvelle dimension. C’est un pacte, une amitié. En fait si le feu d’une création philosophique vous a vitalement, réellement touché, vous ne pourrez faire autrement que de le faire chanter à votre tour.

À 18 ans, on est une véritable marmite existentielle, bouillonnement incessant fait d’étonnements, de révoltes, de passions, de blessures, de naïvetés, d’espoirs et de désespoirs. Vous êtes ce cri dans la nuit qui, visité d’une phrase de Rilke, se voit persuadé de la réalité des anges.Vous êtes ce personnage tout droit sorti d’un livre de Sartre, convaincu que l’homme est ce qu’il fait. Échappés d’un film de David Lynch, vous hantez la forêt à la recherche de l’arbre-hibou. Vous êtes ce chercheur à la lanterne questionnant les passants sur la prétendue mort de Dieu. Peuplés de rock Continue reading