Pierre Verstraeten: une pensée-vie

par Véronique Bergen
 Analyse critique d'un traité de philosophie. P. Verstraeten

 

Saveur des vagues qui ne retombent pas.

Elles rejettent la mer dans son passé.

-René Char

Pour Pierre Verstraeten

Les portes de la philosophie qui ouvrent sur le grand large, la torsade de l’impensé en pensable, l’infini à portée de la main, le ptyx de la pensée qui se relance dès que touché, chaque cours expérimenté comme un événement qui se tient à hauteur de son intensité, sans plus de différé entre sa promesse et son acte…

Dans les amphithéâtres s’est expérimentée la philosophie en acte – le devenir-vie de la philosophie et le devenir-philosophie de la vie. En toile de fond de cette pensée se pensant, selon le work in progress de concepts poussés aux limites d’eux-mêmes, la construction d’une alliance entre la dialectique hégéliano-sartrienne et le vitalisme deleuzien se donnait à voir. Afin d’acter et de consolider les noces de ces deux massifs que la doxa philosophique pose comme antagonistes, il s’agissait de déployer la haute voltige d’une pensée sans filet, d’une pensée acrobate, à fleur d’invention perpétuelle, qui ne cesse de traquer la fossilisation, les clichés qu’elle sécrète comme son ombre. D’année en année, Pierre Verstraeten a joué l’oubli fécond contre la capitalisation des acquis et dynamité le sédimenté, le dépôt de ses propres créations pour reprendre une question à nouveaux frais, sous un autre prisme. Continue reading

Itinerrances philosophiques

par Athane Adrahane (2006)

« Pourquoi philosopher ? Le sens de l’acte philosophique en question »

Colloque de philosophie, Université Catholique de Louvain La Neuve, 11 et 12 mai 2006

Mon engagement philosophique, auquel je préfèrerai l’appellation de mon devenir philosophe, n’a pas coïncidé avec mon inscription à la faculté de philosophie, ni avec l’obtention d’un diplôme universitaire. Il est venu d’ailleurs, de cet acte particulièrement rigoureux qu’est la création philosophique. Pour qu’il y ait engagement, il faut qu’il y ait alliance, don de soi, de son énergie vitale. S’engager est toujours un gage de sang. Pour qu’il y ait alliance, il faut que le mouvement se fasse dans deux sens au moins. Pour qu’une philosophie vous ouvre ses portes, il est nécessaire que vous ouvriez les vôtres. Tel philosophe, tel livre de philosophie, tel concept vous ouvre et vous ensemence de nouvelles perspectives, d’un souffle nouveau, vous-même alors, par la singularité de vos expériences, de votre rythme, des langues et peuples qui vous habitent, vous pourvoirez cette philosophie d’une nouvelle lumière, d’un nouveau sens, d’une nouvelle dimension. C’est un pacte, une amitié. En fait si le feu d’une création philosophique vous a vitalement, réellement touché, vous ne pourrez faire autrement que de le faire chanter à votre tour.

À 18 ans, on est une véritable marmite existentielle, bouillonnement incessant fait d’étonnements, de révoltes, de passions, de blessures, de naïvetés, d’espoirs et de désespoirs. Vous êtes ce cri dans la nuit qui, visité d’une phrase de Rilke, se voit persuadé de la réalité des anges.Vous êtes ce personnage tout droit sorti d’un livre de Sartre, convaincu que l’homme est ce qu’il fait. Échappés d’un film de David Lynch, vous hantez la forêt à la recherche de l’arbre-hibou. Vous êtes ce chercheur à la lanterne questionnant les passants sur la prétendue mort de Dieu. Peuplés de rock Continue reading

La philosophie, une création à contre courant

Athane Adrahane (2006)

« Pourquoi philosopher ? Le sens de l’acte philosophique en question »

Colloque de philosophie, Université Catholique de Louvain La Neuve, 11 et 12 mai 2006

Comme souhaité par les initiateurs de ce colloque, je tenterai d’articuler mon exposé en gravitant non seulement autour des 3 axes déterminés, à savoir : 1° Quel sens cela a- t’il d’étudier la philosophie ? 2° Quel sens cela a-t-il d’exercer la philosophie (d’être philosophe) ? 3° Pourquoi vouloir conserver et perpétuer la pratique de la philosophie ? Mais aussi du thème générique de ce colloque « La philosophie est-elle quête de sens ? Pourquoi philosopher ? Le sens de l’acte philosophique en question ».

Le chemin de la pensée n’étant pour moi pas exclusivement cette randonnée balisée nous conduisant à la mise en lumière de notre identité mais aussi bien cette expédition pleine de trous, de failles, de détours et de labyrinthes qui nous métamorphose à l’infini, voyez dans le désaxage constant que j’infligerai à la question, la façon en acte dont ma pensée procède. Donc voilà, je vais émettre des pistes, des voix, des flèches de pensées. Non pas une définition de la philosophie mais les sens que ce mot a pris au travers de mon expérience. Non pas « La » vérité à laquelle « il faut » se conformer mais des ponts, des artères, que l’on peut ou non traverser afin de nous porter ailleurs dans notre questionnement.

Il y a autant d’images, de sens et de directions à la philosophie qu’il n’y a de singularités ou de philosophes qui touchent à ce mot. Quel philosophe incarne-t-on ? Chacun a sa façon de voir la philosophie. Chacun l’éclaire de son propre feu créateur. Multiples seront alors les histoires de la philosophie projetées dans les dédales caverneux de la Continue reading