Par Athane Adrahane
©Athane Adrahane
Pour le solstice d’été, la compagnie Achtli nous invita à participer à « un spectacle du nouveau cycle » où s’articulent écologie de l’imaginaire, écologie urbaine et sociale. Après digestion et maturation, voici l’expérience transformée en quelques mots. Le « nouveau » de ce style de spectacle tient dans l’épanouissement d’une conscience écologique, c’est-à-dire d’une conscience non-séparée où s’efforcent de communiquer la matière et l’esprit, l’homme et ses environnements. Ainsi se tinrent co-présents reliefs et architectures Bruxelloises, forces de la terre du Mexique, habitants du quartier des marolles, danse de la Terre-Mère, potager urbain, artisans du vermicompost, théâtre des rues, musique, marionnette, clown, messager des quartiers durables mais aussi dimensions du visible et de l’invisible, de la vie et de la mort, réflexions humoristiques et poétiques
Ce théâtre urbain écocosmique multiplie donc les interactions, et ce tant au niveau du thème, qu’au niveau du processus de création où interviennent des acteurs locaux, que dans le dialogue avec le publique qui est amené à sortir de sa position de spectateur pour devenir spect-acteur. Dans un monde du tout achetable ( la vie, l’amour, les rêves, la terre) à travers la voix et la danse tout en tellurique secousse d’un guide anomal, nous est délivré le message du retour du différent. Oui, vient le temps de la métamorphose et du changement.
Cet étrange messager nous conte que la Terre-Mère est en danger, que celle-ci a été raptée, enchainée par un terrible tyran. Pour la retrouver et la délivrer, il nous faut participer à ce changement.
Commence alors, au rythme des tambours, un cheminement dans les entrailles de Quetzalcóatl, l’oiseau-serpent transformeur, le serpent principe qui recycle et digère afin de créer un nouvel humus.
Commence alors, la déambulation joyeuse et fiévreuse dans l’antre de nos paradoxes, où par l’humour et la mise à distance que le rire enclenche, il nous est permis de sourire de certaines de nos gestuelles d’aliénations quotidiennes mais aussi de grincer des dents face au cynisme du/des tyrans qui opèrent la main mise sur la Terre-Mère. Le voyage se poursuivant par la rencontre de la femme-jaguar qui, à travers récit et chant, nous connecte aux plantes et nous enseigne le code (le rythme dans le corps) pour libérer la Terre-Mère.
Il y a alors le face à face avec Madre Tierra, son oppresseur et tout ce qu’elle endure: torsion, empoisonnement, viol et extraction de ses trésors intimes (minerais…). Alors, gronde et s’éveille en nous ce battement du corps, soucieux d’en finir avec cette mise en servitude.
Commence, alors, la danse de libération de la Pachamama et de ses enfants.
Ainsi le spect-acteur en participant à l’écriture du scénario, sort d’une dimension spectrale pour se sentir concerné par la tournure que prend le monde. En créant d’autres trajectoires dans l’espace urbain, en le colorant d’autres affects, s’actent aussi d’autres chemins dans notre réflexion, inscrivant l’espace d’un rire, d’une larme ou d’un battement de mains, une rupture dans l’automatisme de nos gestes. En exposant les dimensions cachées, non visibles ( la terre sous le béton, le trajet de nos déchets, les fragilisés de la société…), en proposant des alternatives telles qu’une reprise du contact avec la terre et les autres, à travers les potagers de quartier, l’art du recyclage où avec chaleur et amour « les destinés à l’enfouissement » se métamorphosent en humus fertile, se sèment, poignée par poignée, les graines d’une nouvelle scène sociale où jouent et cheminent ensemble acteur-carotte, acteur- soleil, acteur-lunaire, homme, femme et enfant de diverses cultures.
Site officiel : www.compagnieachtli.tumblr.com
©Photos: Athane Adrahane