© Athane Adrahane
Entends-tu comme moi
la longue plainte des arbres mutilés
entends-tu le choc sec de la hache cinglante
qui tranche les ligaments et culbute les socles
vois-tu l’arbuste nain qui saigne à pleine sève
à plat ventre dans l’herbe accablée
as-tu vu comme moi
dans la plaine mordue par les vents
cet arbre veuf aux branches feuillues étalées
aux cheveux qui cueillent la poussière
aux racines comme des doigts géants
difformes boursouflés
flèches tordues exaspérées livides
jetées en défi à la face du ciel
la terre se traîne dans un halo de sang
lapidée sans pitié par des robots aveugles
les plaies sont innombrables
le meurtre est monnaie courante
l’innocence clouée sur une croix de bois
la beauté réfugiée dans un trou de mémoire
et l’arbre se révolte
à sa façon crie vengeance
extirpe ses racines et marche sur la tête
désireux d’émigrer dans une autre planète
où le bourreau serait inconcevable
“Contestation végétale” de Laurence Amaury est extrait du receuil « Le Musée d’un Futur supposé. Poème à peindre »
Née à Flénu (Mons), le 26 avril 1944, Laurence Amaury, régente littéraire et bibliothécaire, est l’auteur de recueils de poèmes et de nouvelles, ainsi que de pièces de théâtre. Elle prépare un mémoire sur les auteurs montois des origines à nos jours (Lettres lumeçonnes, lumeçon étant le nom du combat opposant Saint Georges et le dragon, le jour du Doudou). Cofondatrice du « Cercle littéraire hainuyer Clair de Luth » (1987) et membre des Montois Cayaux, elle fut aussi membre du Groupe d’Action des Ecrivains et de la Pensée wallonne. Elle a reçu pour ses poèmes, en 1982, le prix Hélène Van Hove et, en 2010, le prix Mons/Emile Poumon de l’AREAW pour son recueil de nouvelles Escales en Absurdie.